L'Equipe voit le jour en 1900. L'Auto-Vélo (son appellation d'alors) est pourtant créé dans l'optique de concurrencer le Vélo, en chute libre depuis que sa tête pensante ait fait le choix de prendre position dans l'affaire Dreyfus. Trois ans plus tard, L'Equipe est déjà au sommet. Monstre de la presse sportive, le quotidien l'est encore en 2009, en dépit de l'apparition du 10 Sport à l'automne 2008. Sorte de tabloïd imprimé sur du papier rappelant celui des revues immobilières, le joyau de Michel Moulin ne décolle pas.
Son concurrent, Aujourd'hui Sport, lancé par le groupe Amaury (propriétaire de L'Equipe) jusqu'à ce que mort du 10 Sport s'en suive, remporte la bataille publicitaire assez facilement. On se souvient de l'annonce commerciale où un type lit son Aujourd'hui Sport dans le bus, provoquant dans l'ensemble du véhicule de bruyants chants de supporters sortis de nulle part, tandis que les autres voyageurs se tapissent à l'avant du transport en commun. Difficile, en revanche, de se rappeler d'une publicité visant à promouvoir le 10 Sport. Normal, il n'y en a pas eu. Ou alors très peu.
Remember, in 1998..
S'il est reconnu qu'on a parfois de plus grandes chances de vaincre un ennemi en combattant avec ses propres armes, il semble aujourd'hui inutile de tenter quelque chose via le papier. De toute manière, L'Equipe est déjà en train de mourir. Tranquillement, mais sûrement. Son assassin ? Le WAP. Souvenez-vous, en 1998 par exemple. Qui, parmi vous, s'est aussitôt jeté sur son ordinateur après la victoire des Bleus en Coupe du Monde pour lire les résumés des sites de journalisme sportif. Peu ou personne, évidemment, puisqu'à l'époque, Internet se résumait simplement à une pénible consultation de mail, non sans avoir patienté une bonne dizaine de minute que le réseau daigne fonctionner.
Depuis, Internet est devenu bien plus imposant, et sa faim ne cesse de grandir. La télévision est toujours presqu'autant regardée, la radio presqu'autant écoutée... mais notre territoire est bien plus peuplé qu'auparavant. Fini le temps où la famille se réunissait le soir pour regarder les films de TF1 ou France 2, pendant que les plus sages suivaient avec attention les documentaires de France 3 et que les plus solitaires attendaient tranquillement le Journal du Hard sur Canal+. A présent, tout se trouve sur Internet. Les films se téléchargent, la soif de découverte s'étanche sur la toile, et, bien sûr, les amateurs de demoiselles plus que légèrement vêtues trouvent leur compte sur l'immense amas de sites pornos, où une jeune fille vous salue toujours en anglais, prétendant habiter votre ville. "Hi ! I'm alone tonight in Longjumeau. Come with me", répète-elle, vainement.
WAP, quand tu nous tiens
En parallèle, l'industrie du téléphone portable croît à une vitesse phénoménale. Je me suis toujours amusé devant cette publicité, pour je ne sais plus quelle mobile, où il était écrit: "Ah. Et il fait aussi téléphone". Diaboliquement vrai. Dorénavant, plus besoin de patienter sans savoir quoi faire dans le métro ou le RER. On sort son téléphone de son étui (ben oui, maintenant on met des étuis aux mobiles. So chic), on le déverrouille, on regarde si on a un nouvel ami ou non, puis on s'élance surfer sur la toile. Pendant l'Euro 2008, par exemple, je m'étais étonné devant un jeune homme qui, sur l'écran de son Samsung, s'en mettait plein les yeux devant un alléchant Espagne-Suède. Autrefois privilège des riches, la télévision mobile est sur le point de se démocratiser à vive allure.
Primo, on a -presque- tous accès à Internet sur notre téléphone. Le WAP, performant au possible, permet à l'utilisateur de se sentir comme devant son PC. Secundo, l'extrême majorité des revues, magazines, chaînes de télévision ou stations radiophoniques ont leur propre website. Dès lors, un individu lambda, s'il veut une information en particulier dans la minute, va se précipiter sur lejdd.fr au lieu d'attendre bêtement la version papier dominicale du Journal du Dimanche. Imaginons maintenant que cet individu est sorti, il est au restaurant ou au bowling, et il apprend que la situation s'enflamme terriblement dans la bande de Gaza. Il se voit mal dire à ses potes "Excusez-moi les mecs je rentre chez moi, à ce qu'il paraît ça a encore dégénéré entre Paul Gascoigne et ses potes" (okay elle est vraiment pas drôle celle-là). Mais soyons sérieux un instant, je vous prie. Le type va donc naviguer sur Internet, via sa connexion WAP, car il a du crédit, il est lové dans son fauteuil, et son joli et large écran couleur assure le confort de ses yeux. Trop fort ce WAP.
Partisans du moindre effort
Maintenant, projetons-nous dix ans en avant. En 2019, il n'est pas difficile de supposer que tout le monde aura accès à une connexion Internet ultra-rapide sur son mobile. Déjà, quand on voit de nos jours que des petits jeunes de 12 ans passent leur temps collés à leur portable, on peine à croire que ce ne sera pas pire dans une décennie. L'automatisation des services ayant rendu les citoyens "civilisés" partisans du moindre effort, il est fort probable que ceux-ci privilégient la solution WAP à la sortie matinale pour aller acheter le journal.
Et c'est là, que tout va changer. On se souvient tous du paquebot qui nous servait de téléphone portable il y a dix ans. Oui oui, le machin au tout petit écran bicolore, où seul le jeu du serpent nous encourageait à l'emporter dans notre sac (puisque ça ne rentrait pas dans les poches). Aujourd'hui, il nous paraît préhistorique, comparé à l'engin high-tech qui se fait oublier dans la poche droite de notre jean. A clapet ou sans, selon le style, il fait tout. MP3, dictaphone, photo, vidéo... et surtout Internet. Samedi dernier, encore, un pote me demandait si je savais le résultat de Nantes-Bordeaux. Je lui dis que, "quand je suis parti, il y avait 1-0 pour les Girondins", tout en sortant d'un geste instinctif mon mobile. Une fois l'adresse http://mobile.football.fr visitée, je lui indique finalement que le club au scapulaire s'est imposé 2 buts à 1. Et ce, plus rapidement qu'il ne m'a fallu de temps pour vous le conter.
Ce geste là, on le fera tous en 2019. Que ce soit dans notre lit, à la pause-clope au boulot ou sur le chemin du travail, on n'y coupera pas. D'abord, parce que les forfaits téléphoniques pour le WAP, qui sont déjà sur une pente descendante, se vendront à des prix extrêmement bas, mais aussi parce que de plus en plus de journaux viendront participer à l'orgie du web. La télévision, intelligente en dépit des apparences, se mettra aisément au goût du jour en permettant à ses fidèles de suivre ses émissions sur Internet, et donc, sur le WAP. Un M6 à la demande pour toutes les chaînes en gros. En podcast, les journaux télévisés et les séries policières allemandes. En podcast également, les magazines sportifs. Dès lors, quel besoin aurons-nous d'acheter L'Equipe quand Internet nous offrira tout ce que nous voudrons. Aucun, naturellement.
La fin de la presse écrite
Dans les années 2020, la presse écrite rendra probablement son dernier souffle. Il restera bien encore les magazines de photographie, mais pourra-t-on encore parler de "presse" ? Même les journaux people investiront la toile. Paris Match, d'ailleurs, a déjà son site internet et le développe de jour en jour. La rengaine est la même concernant les journaux automobiles. Internet, c'est tellement pratique, et bientôt, ce sera presque gratuit, au vu du rapport qualité/prix. Pour un abonnement d'une modeste somme d'argent, l'accès à la culture et au divertissement est illimité. Et ça, ça n'a pas de prix.
Dans quelques années, les plus éminentes plumes de L'Equipe quitteront le navire et iront travailler soit à la télé, soit sur internet. Que le quotidien sportif se rassure, sa renommée éclabousse comme il le faut sa chaîne télévisée L'Equipe TV et son site internet. Mais s'il domine le monde de la presse écrite, il est encore étouffé dans la petite lucarne par Canal+ Sport, InfoSport et bien sûr Eurosport. Sur la toile, le site est soumis à une forte concurrence, surtout au niveau du ballon rond, je ne citerai que Football.fr pour l'exemple, mais il y en a bien d'autres. Pour les autres sports, ça reste encore à voir, mais lorsque tout le monde se mettra à l'heure d'Internet, qu'en sera-t-il ? L'avenir, messieurs, est à la télévision et sur les sites Internet. Tout ça, grâce au WAP. Vraiment trop fort ce WAP.
Par football.fr