Joëlle Heraclide : « Je veux gagner des trophées, mais surtout préparer les champions de demain »
Joëlle Heraclide : « Je veux gagner des trophées, mais surtout préparer les champions de demain »

Préparatrice mentale, ex-intermédiaire de joueurs, femme engagée dans un environnement encore très masculin, Joëlle Heraclide est l'une des figures montantes du football ivoirien. Son travail a largement contribué à la montée historique du Deux Plateaux FC en D2. Dans cette interview, elle revient sur son parcours, ses défis et sa vision du football ivoirien.
Bonjour Joëlle, et félicitations pour la montée du Deux Plateaux FC en D2 ! Que représente cette montée pour toi personnellement ?
Cette montée représente d’abord la réalisation du rêve de M. Abdoulaye Koné, père de notre président M. Mohamed Koné et ancien président de l’AS Denguélé. Il nous a quittés pendant la saison, et pour nous tous au club, c’était : la montée ou rien. Sur un plan plus personnel, c’est un énorme accomplissement. Le résultat d’années de sacrifices, d’études, de travail.
Tu es préparatrice mentale, un métier encore peu connu en Côte d’Ivoire. Comment expliquerais-tu ton rôle à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler ? Et qu'est-ce qui t'a motivée à suivre cette voie ?
Le préparateur mental est là pour optimiser la performance. Ce n’est pas un psychologue qui soigne des pathologies comme la dépression. Aujourd’hui, mon métier est devenu indispensable dans le football moderne : on ne peut plus faire sans. Imaginez une équipe sans préparateur physique, c'est impossible. Le préparateur mental, c'est pareil. J’ai toujours été passionnée par les causeries d’avant-match ou de mi-temps, comme celles de Pep Guardiola ou Hervé Renard. J’ai compris qu’il y avait un lien fort entre le mental et le sport, alors j’ai décidé de me former. Ce n’était pas simple, mais c’était le bon choix.
À quel moment sens-tu que ton travail a un impact réel sur les performances des joueurs ?
Dès lors que je suis acceptée par les joueurs et le staff, je sais que j’aurai un impact. Quand arriveront les résultats ? Je ne peux jamais le prédire. La préparation mentale n’est pas une science exacte, mais elle contribue fortement aux succès. S’il n’y a pas d’adhésion du groupe, rien ne fonctionne.
Beaucoup de clubs ivoiriens investissent peu dans l’accompagnement psychologique. Comment le Deux Plateaux FC a-t-il accueilli ton approche ?
C’est le président qui m’a contactée, à six journées de la fin, quand le club était dernier de sa poule. Il avait tout essayé : primes, salaires... mais rien ne fonctionnait. Il m’a appelée comme dernier espoir. Ce n’était pas simple, surtout avec les joueurs. Ils me disaient : “On n’est pas fous ! On n’a pas besoin de psychologue ! (sourire). Mais en deux entraînements, ils m’avaient adoptée. J’ai dû frapper fort, dès la première séance.
Être une femme dans un vestiaire d’hommes n’est jamais évident. Comment t’es-tu imposée ?
D’abord par ma tenue d’entraînement : on n’en parle pas souvent, mais je suis une femme avec des hommes en face. Ensuite, en trouvant l’équilibre entre autorité et accessibilité.
Je suis “Coach” sur le terrain, mais “Joe” en dehors. Être à l’écoute, respecter les joueurs, leur intimité, leur travail, c’est fondamental. Il faut créer une proximité contrôlée, et surtout ne jamais cesser de les féliciter.
Tu as aussi été intermédiaire de joueurs. Comment as-tu concilié cela avec ton rôle de préparatrice mentale ?
Je ne suis plus dans l’intermédiation, mais je reste disponible. La plupart des joueurs avec qui j’ai collaboré continuent de me solliciter pour du soutien mental, surtout avant des matchs ou des compétitions importantes. Au fond, je crois que j’ai toujours été préparatrice mentale sans le savoir.
Peux-tu nous citer quelques joueurs que tu as encadrés dans ce rôle ?
Le plus récent est David Datro Fofana. J’ai travaillé avec lui de son passage à l’Union Berlin jusqu’à Burnley. C’est sans doute mon plus grand regret, car toutes les intermédiations ne se concluent pas par un succès.
La montée en D2 est importante, mais ce n’est pas une fin en soi. Que doit faire le club pour continuer à progresser ?
Le club a la chance d’avoir un président bien formé, avec un master en management du sport et de solides bases en finance. Nous partageons la même vision : s’installer durablement dans le football professionnel avant de viser plus haut. La Ligue 1 est un objectif, mais il faut franchir chaque étape avec sérieux.
Quelles sont les lacunes structurelles que tu observes dans le football ivoirien, surtout sur le plan mental et éducatif ?
En Côte d’Ivoire, on ne s’occupe que des pieds, jamais de la tête. Même les U15 ou U17 participent à de grandes compétitions sans accompagnement mental. Jouer une CAN U17 devant 12.000 personnes, c’est une pression énorme. Intégrer la préparation mentale dès les jeunes catégories, c’est la clé pour former des champions.
Est-ce que tu sens que les femmes sont suffisamment valorisées dans le football ivoirien ?
Il y a un vrai effort du président de la Fédération. Les femmes sont présentes, mais pas toujours au bon niveau de responsabilité. Beaucoup sont formées aux plus hauts niveaux, mais restent sous-utilisées. Le football est difficile pour tout le monde, homme ou femme. Il faut se battre pour travailler, alors que ce devrait être un droit, peu importe le sexe.
Pour conclure, quel est ton rêve personnel dans le football ivoirien ?
Réussir mon passage, poser ma pierre, ouvrir la voie à celles qui rêvent de ce métier. Gagner des trophées, mais surtout préparer les champions de demain.
STADIVOIRE
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