29 octobre 2004, Reims reçoit Lorient : ce soir-là Bakari Koné inscrit trois buts superbes et gagne le match à lui tout seul. Au micro d'Eurosport, qui retransmet le match, le coach rémois Ladislas Lozano ne cache pas son admiration pour celui qui vient de crucifier son équipe : "Il est très rare de voir un joueur autant écraser une rencontre de son talent en Ligue 2", déclare l'entraîneur, pourtant connu pour son exigence. " trois journées de la mi-parcours, "Baky" Koné a déjà inscrit deux buts de plus que ses dix réalisations de la saison dernière. Le petit attaquant épate franchement par son culot et sa maîtrise technique. Même si son équipe piétine quelque peu, l'ancien Académicien suscite un intérêt d'autant plus marqué que sa première saison à Lorient s'était achevée en queue de poisson. "Quoi de plus normal comme signe d'adaptation pour un Merlu ?", plaisantaient alors certains piliers de café de commerce. " J'ai beaucoup souffert du froid et de la pluie, auxquels je n'étais pas habitué. J'ai eu quelques blessures en plus qui m'ont compliqué la vie. Mais c'est du passé", explique plus
prosaïquement le buteur. N'est-il pas pour son club un paravent trompeur ?
De fait, Lorient produit du jeu, mais l'équipe ne gagne pas souvent. "Chacun fait son maximum
pour que l'équipe avance. Mais nous manquons encore de combativité et de ténacité quand il faut
tenir un résultat", regrette Baky. Et de rejoindre l'avis général à propos de ce championnat de Ligue 2, millésime 2004-2005 : "Les écarts entre les différentes équipes sont encore très faibles. Avec une très bonne série, il est possible de revenir rapidement dans le haut du
classement. Mais il faut faire vite !" Petit par la taille...
En attendant, Baky a fait taire tous ceux qui doutaient qu'un joueur au si petit gabarit (1
mètre 63 pour 61 kilos) puisse réussir en Europe : "On dit que le football exige de plus en plus
de grands gabarits à Je pense que c'est faux ! Ce qui est vrai par contre, c'est que les joueurs
de petite taille sont souvent très mal considérés. Il nous faut prouver beaucoup plus pour percer.
Moi, j'ai eu la chance que l'on remarque mon talent avant de "bloquer" sur ma taille." Ce
"on" si cher au cur de Baky n'est autre que Jean-Marc Guillou, l'ancien international français, technicien supérieur du milieu de terrain au SCO d'Angers et à l'OGC Nice, et fondateur de l'Académie de football d'Abidjan : "Un lien particulier nous unit. On s'appelle
régulièrement. Récemment, il m'a téléphoné pour me féliciter, après mon triplé à Reims."
Pour Baky, tout a commencé dans les années quatre-vingt dans une capitale ivoirienne alors
en pleine expansion. "En Afrique, depuis que je suis tout petit, le football est une histoire de famille. On est tous des accros de ce sport. Dans mon quartier de Williamsville, on faisait des
tournois quand j'étais gosse. Quelqu'un est un jour venu me chercher, et m'a suggéré de tenter ma
chance à l'Académie. J'ai un peu hésité, car je devais m'occuper de la "vieille"? C'est comme ça
que j'appelle ma mère, c'est une marque d'affection et de respect chez nous. Je me suis retrouvé mis à l'essai, parmi plusieurs centaines de jeunes de mon âge. J'ai été choisi avec une vingtaine d'autres pour passer un autre test au centre de formation. On s'est retrouvé à douze dans ma promotion. Aujourd'hui, on est tous restés proches les uns des autres." Ce sera ensuite le départ au Qatar, en 2002. Le "goleador" ne s'attarde pas trop sur cette étape de sa jeune
carrière : "Ca s'est bien passé. Je devais faire six mois, je les ai faits tranquillement." Là-bas,
dans son club d'Al-Itihad, Baky connaît une rencontre décisive, celle de Christian Gourcuff. Alors coach du club, l'entraîneur breton est immédiatement séduit par les qualités du jeune Ivoirien. De cette époque naît une grande estime réciproque : "Je me sens bien avec ce coach. Il donne beaucoup sa chance aux jeunes. Il aime que l'équipe joue vers l'avant, qu'elle ne balance pas des longs ballons mais qu'elle progresse au sol. Faire courir le ballon plutôt que de jouer en l'air, ca me va très bien !" ...grand par le talent ! ? Lorient, Baky est en train de faire taire les grincheux qui lui reprochaient, comme à beaucoup de joueurs à la technique brillante, son manque d'altruisme. Le jeune attaquant sait raison garder au moment d'évoquer ses qualités et ses défauts. "" la base, je suis avant-centre. Mais j'aime bien décrocher pour partir dans la profondeur une fois servi. Je vais vite, je sais bien passer balle au pied. Par contre, il m'arrive encore de faire des mauvais choix aux moments décisifs. Je dois encore progresser à ce niveau-là", reconnaît-il sans peine. Les exploits de Bakari Koné ne sont pas longtemps passés inaperçus. Plusieurs clubs du plus haut niveau le suivraient déjà de près. Cela ne laisse pas le joueur indifférent : "Il est clair que j'ai envie de jouer au plus haut niveau, que ce soit en Ligue 1 française ou à l'étranger. Je ne pourrais pas dire quel serait mon club préféré, ce que je veux c'est mettre la barre plus haut. La seule nécessité pour moi est de jouer dans une équipe qui joue un football technique, au sol. Aller dans une équipe qui "balance", ce serait en quelque sorte m'enterrer." Son frère aîné, Ibrahima, s'occupe de gérer ses intérêts en le préservant de la tant redoutée "pression" due aux rumeurs de transferts. Baky confirme :
"Je reconnais que j'ai déjà eu quelques contacts, mais il est encore trop têt pour en dire
plus. Je dois rester concentré sur ma saison avec Lorient." Et en dehors du terrain, à quoi ressemble le vie de Baky Koné " Ce garçon passe beaucoup de son temps libre " écouter
de la musique et je regarder des DVD. "J'écoute pas mal de coupé-décalé, de musique ivoirienne en
ce moment. Quant à mon film préféré, c'est Scarface", explique t-il. " Je ne sors
pas beaucoup, je réserve la fête pour l'été. De caractère, je suis plutôt quelqu'un de calme et
réservé, j'ai tendance à rester dans mon coin et ne pas me mettre en avant. Le leader de vestiaire,
Lorient, c'est Richard Martini, et pas moi !", ajoute le buteur. Mais ces derniers temps, ses pensées sont principalement tournées vers son pays, la Côte d'Ivoire. Non seulement parce qu'il a intégré l'équipe des Eléphants, bien partie pour se qualifier pour la Coupe du Monde 2006 ("Nous sommes tous motivés " bloc " l'idée de nous retrouver en Allemagne pour jouer la Coupe du Monde 2006."), mais surtout en raison des troubles qui assombrissent l'avenir du pays : "Je suis triste de ce qui arrive. C'est une histoire de politique, je ne veux vraiment pas m'en méler, je pense que ce n'est pas mon rôle. Je passe beaucoup de temps avec ma famille au téléphone. On se rassure en parlant, on esp?re tous que les choses vont se calmer?" Baky Koné Digest Né le 17 septembre 1981 à Cocody Abidjan (Côte d'Ivoire) 1 m 63, 61 kilos. Attaquant. International ivoirien. Club actuel : FC Lorient (France, Ligue 2). Clubs précédents : ASEC Abidjan, Al-Itihad (Qatar) Bilan 2004-2005 : 15 matches, 12 buts (dont 2 penalties)http://www.sport.lycos.fr